Quelles sanctions face à la Russie ?
Quelles actions communes face à la Russie ? Telle est la question à laquelle les 28 ministres des pays membres de l’OTAN tentent de répondre mardi 1er avril et mercredi 2 avril 2014. Alors que l’annexion de la Crimée a été ratifiée par la Douma le 20 mars, les rapports entre occidentaux et russes se crispent. Un volet de sanctions économiques symboliques touchant principalement les oligarques fut instauré alors qu’Angela Merkel souhaite attendre une intervention russe hors des frontières de Crimée pour activer des sanctions économiques, difficiles à mettre en place et pouvant se retourner contre les européens. Les sanctions visent désormais les volets institutionnels avec une exclusion provisoire du G8, raillé par S. Lavrov, et la fin de la coopération civile et militaire OTAN-Russie. Quels sont les enjeux et la portée de ces joutes diplomatiques ?
Malgré un retrait progressif, récemment évoqué, des troupes russes à la frontière Est de l’Ukraine, l’OTAN décide de nouvelles sanctions contre la Russie. Les coopérations civiles et militaires sont désormais suspendues entre les pays membres et la Russie. Les programmes visés ne sont pour l’instant pas définis. Il va probablement s’agir de missions relatives au désarmement de l’arsenal chimique syrien, contre balançant de ce fait les points marqués par V. Poutine dans la tentative de résolution du conflit syrien, ou dans des missions de coopérations scientifiques. Les canaux diplomatiques du Conseil Russie-OTAN restent toutefois ouverts, dans la ligné de la déclaration Lavrov-Kerry visant une résolution diplomatique. De même, les actions conjointes en Afghanistan, requérant pour la FIAS un passage par le territoire russe, restent opérantes ainsi que les missions de lutte contre le terrorisme et la piraterie maritime. Ces sanctions visent, dans un contexte de crainte d’une invasion de l’Est ukrainien, à rassurer les pays frontaliers et à s’affirmer face au pouvoir russe. En parallèle, l’OTAN renforce sa coopération militaire avec l’Ukraine mais n’envisage pas, malgré des demandes polonaises par exemple, d’implanter de bases près des frontières russes. Il s’agirait dans le contexte actuel d’une escalade dangereuse. À défaut, l’OTAN procède à l’envoi de troupes et matériels supplémentaires, notamment des F-15 et F-16 en Pologne et Lituanie.
De son côté la Russie réplique en mettant fin au rabais sur le gaz accordé en décembre 2013 à Kiev afin de la détourner du girond européen. De plus, une remise, accordée lors du renouvellement du bail de la base de Sébastopol en 2010 pourrait être révisée à 480$ les 1000m3 (actuellement à 385,5$ en prenant en compte l’annulation du récent rabais). La hausse de 10% des frais de transit du gaz russe en Ukraine ne contiendra pas cette hausse. Dans ces conditions, et vu la situation économique du pays, l’approvisionnement en gaz de l’Ukraine pourrait à moyen terme être assuré par les USA à partir de 2015, par les flux provenant du BTE ou par le projet TAP. Mais cela implique que le projet de terminal GNL près d’Odessa, prévu pour fin 2016, arrive à terme. Or, la région d’Odessa est également en proie à des tensions…
La place de la Transnistrie reste pour le moment obscure. La république séparatiste moldave, ayant proclamée son indépendance en 1991, n’a pas fait l’objet de déclaration publique lors de la réunion des 28 ministres. Le rôle de cette région moldave frontalière de l’Ukraine tend pourtant à s’intensifier. Peuplée de 30% de russophones, à majorité orthodoxe, la république séparatiste nostalgique de l’URSS a demandée, dans la ligné du référendum sur la Crimée, son rattachement à Moscou. L’expérience, déjà tentée en 2006 fut invalidée par les observateurs de l’OSCE et l’UE. Cependant, ce pays cristallise désormais de nombreuses tensions : l’OTAN y rapporte des mouvements de troupes russes, en effet la 14ème armée y est stationnée. V. Nuland a récemment accordée une aide de 10 millions $ à la Moldavie afin qu’elle sécurise ses frontières avec l’Ukraine. De plus, V. Poutine dénonce un blocus de la zone orchestré par les autorités moldaves et ukrainiennes. La crainte majeure serait de voir se créer, en invoquant par exemple l’argument de l’aide aux populations russophones, un couloir Crimée-Transnistrie déstabilisant ainsi la région d’Odessa, ses terminaux pétroliers et son projet de terminal GNL.
Bien que les déclarations russes se veuillent rassurantes sur le thème de l’expansion territoriale, les tensions sont de plus en plus présentes dans les rapports OTAN-Russie. Il apparaît toutefois que les marges de manœuvre en terme de sanctions soient limitées ; la diplomatie devrait occuper une place majeure afin d’éviter un enlisement du conflit favorable à V. Poutine.